LOS ANGELES POLICE DERPARTMENT " to protect and to serve "
Le justicier expéditif
à propos de Golan-Globus productions
Dans la longue lignée des productions cinéma et télé
américaines idéologiquement tordues, vulgaires, moralement
discutables voire fascistes, Golan-Globus Productions (du nom de ses producteurs
exécutifs Menahem Golan et Yoran Globus) a eu ses heures de gloire
grâce à la " série " des Justiciers, fleurons
de l'apologie de la self-defense et de la justice expéditive ;
concentrés de propagande républicaine et puritaine que TF1
ne manque jamais de rediffuser à outrance les dimanches soir en
deuxième partie de soirée.
Quand il ne s'agit pas d'un nanar abrutissant, la première chaine
de télévision française nous sert donc régulièrment
un nième épisode des aventures du justicier punitif des
States, le sévèrement burné et moustachu Paul Kersey,
Leo Kessler ou Lieutenant Crowe [tous ses personnages étant interprétés
par le charismatique Charles Bronson], inspecteur de police conservateur
et vindicatif en passe de partir en retraite à chaque " épisode
" mais dont la vie mouvementée amènera à faire
justice lui-même afin que tous les meurtriers, violeurs, proxénètes
et trafiquants de drogue qui polluent les belles cités américaines
finissent six pieds sous terre sans aucune forme de procès.
[NB : L'objet de cet article n'est en aucun cas de porter atteinte à
M. Bronson mais de montrer combien ses choix artistiques de fin de carrière
sont déplorables et comment un série apparemment anodine
comme celle des justiciers véhicule une idéologie dangereuse
pour l'esprit -à la fois du cinéma et du spectateur non
averti].
La parenthèse étant bouclée, je voudrais attirer
votre attention sur quelques points récurrents très regrettable
de cette série incluant Le justicier dans la ville 1 & 2, Le
justicier de New York, Le justicier braque les dealers... [intitulée
Dead Wish en v.o. / 5 épisodes] dont nous pouvons rajouter Le justicier
de minuit [Ten to Midnight] et Kinjite sujets tabous [Kinjite: Forbidden
Subjects]. En regardant de près, tous ces films véhiculent
une morale puritaine et raciste et ne manquent jamais de faire l'apologie
de la peine de mort, de la self-defense et du port d'armes comme des solutions
au banditisme qui souille les grandes cités urbaines des Etats-Unis.
Ces petites machines idéologiques dépourvues d'une quelconque
qualité proprement cinématographique (scénaristique
et esthétique) prônent l'usage de la force et dénonce
la faiblesse de la Justice pour mieux valoriser la loi du Talion (autrement
dit : faisons subir aux criminels de tous bords le même traitement
qu'ils infligent à leurs victimes - oeil pour oeil, dent pour dent).
Afin d'argumenter mes propos, il suffit de constater, par exemple, qu'avant
la 7ème minute de Kinjite (1989-Jack Lee Thompson), le lieutenant
Crowe (Charles Bronson) de la police des murs enquêtant sur
un réseau de prostitution de jeunes mineurs, entre de force dans
une chambre d'hôtels pour avoiner un pervers qui s'apprêtait
à sodomiser une adolescente ; le lieutenant tabasse ce premier
vilain du film avant d'empoigner un godemiché dont on devine l'usage
qu'il en sera fait bon usage pour punir le pervers. Très vite,
le ton est donné : méchants de tous poils, l'inspecteur
de L.A. n'est pas content et va nettoyer la ville. [ce type de scène,
d'une vulgarité navrante, est monnaie courante dans toute la série
des justiciers.] Entendons-nous bien! Il ne s'agit pas de prendre le parti
de la perversion et des méchants/victimes de la justice expresse
du justicier... le problème vient plutôt du fait que ces
films se permettent de traiter de sujets graves tout en déployant
une éthique des plus malsaines.
Dans le même ordre d'idée, à la fin du Justicier de
Minuit (1983 - Jack Lee Thompson), Leo Kessler (C. Bronson) abat d'une
balle dans la tête le psychopathe alors qu'il s'évertuait
à convaincre un Bronson résolu [ainsi que le (télé)spectacteur]
qu'il était psychologiquement incurable et que, de toute façon,
il sortirait vite de prison pour commettre de nouveaux meurtres. Heureusement,il
a été abattu dans les secondes qui ont suivi son discours.
C'est vrai qu'avec une pareille logique, le film ne peut que créditer
des actes de justice pareils. Aussi, il est à noter que, bizaremment,
les méchants que traquent le justicier sont tous plus ou moins
basanés ou bridés (seuls quelques hispanos-américains
sont parfois épargnés de ce racisme primaire et généralisé).
Voici un extrait de Kinjite où le lieutenant Crowe discute avec
son adjoint après que sa fille se soit faite agressée par
un obsédé japonais dans le bus.
L'adjoint
- Il ne s'est rien passé et toi tu te conduis comme si elle avait
été violée !
Crowe
- Il ne s'est rien passé ? ! ma fille, un citron pourri de l'intérieur(sic
!) tripatouille ma fille et toi tu dis qu'il ne s'est rien passé
! Tu n'as pas l'air de réaliser ce qui se passe dans ce pays. Tiens,
par exemple, prenons les Japonais pour ne citer qu'eux, ils achètent
des immeubles, des bureaux, des terrains de golf, ils nous envahissent
Toi et moi on se casse le cul et on se retrouve comme des cons
[la voiture s'approche d'un hôtel luxueux où des 'asiatiques'
ont créé un embouteillage]
Crowe
- Qu'est-ce que je te disais ! Ils sont partout ! ! Regarde-ça
(puis, à l'intention des 'japonais' ) vous vous comportez comme
si cette ville vous appartenait, mais nous ne sommes pas à Tokyo
ici, nous sommes à Los Angeles ici !.
Les Japonais sont montrés du doigt tout le long du film comme des
gens autres (aux murs dissolues, à la culture pas comme nous)
et comme des virus qui contaminent la jeunesse et l'économie américaine.
Autre procédé récurrent, la famille de l'inspecteur
est souvent mise à mal afin que le spectateur accepte plus facilement
que justice soit rendue. Ainsi, le justicier-flic voit sa bonne famille
catholique et sans reproche agressée sans relâche; sa femme
ou sa fille assassinée et/ou violée à chaque "épisode"...
quand ce n'est pas les deux à la fois...
Dans Kinjite, voilà en quels termes le lieutenant Crowe qualifie
Duke, le proxénète qui sévit tout le long du film
: "Cette pourriture a une écurie de jeunes gazelles, des petites
filles! et il fait son beurre sur leurs dos. Si on l'arrête, en
moins de 5 minutes, il est de nouveau dehors !"
En bref, ce catalogue de scènes qui ne servent qu'à justifier/justicier
les actes de l'inspecteur sont d'autant plus immondes moralement qu'elles
traitent de sujets gravissimes...
Alors un conseil: si vous remarquez dans le générique d'un
film que celui-ci est produit par Golan-Globus, soyez attentifs et gardez
les yeux grands ouverts car ce que vous allez voir n'aura rien d'une réflexion
honnête sur la violence urbaine, l'auto-défense; rien d'un
divertissement... ce sera un brulôt idéologique mettant en
avant des positions éthiques plus que douteuses.
Par Michaël, septembre 2003
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